Dans le cadre des activités de l’Atelier citoyen autour de l’eau, nous vous proposons de faire le point sur la pollution radioactive des eaux de la Loire et donc dans notre eau d’hygiène et de boisson.
Qu'a-t-on appris depuis le 15 septembre 2018, date à laquelle l'Atelier citoyen s'était associé à un événement sur les pollutions invisibles du fleuve ?
Nous vous proposons trois articles pour aborder trois thématiques :
1 – le tritium dans l'eau potable, réalité ou fausse rumeur ?
2 – L’impact sur le vivant
3 – Des citoyens en action
Ces articles sont rédigés par Jean-Yves Busson1, avec l'appui des membres du Conseil d'Administration de l'Atelier citoyen
La réponse est sans ambiguïté : c’est une réalité quotidienne pour les habitants ligériens, et en particulier pour les angevins et les nantais, en aval des 5 centrales installées sur la Loire et la Vienne.
C’est un collectif de citoyens militants qui, avec l’aide de leur partenaire scientifique – l’ACRO, association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest – ont, en 2018, porté à connaissance du public cette problématique connue depuis longtemps d’un petit nombre mais depuis longtemps dissimulée aux autres.
Les résultats de trois ans de travail de cet observatoire prouvent,
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La quasi-permanence d’une activité radiologique, tout au long de l’année, au fil des largages –rejets autorisés – de polluants par l’une ou l’autre des 5 usines. Ceci dans les eaux de rivière et, en conséquence, dans le réseau potable
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L’observation, inexpliquée, de pics de pollution, qui prennent en défaut les modèles théoriques de dilution des effluents par les centrales
Il s’agit de carbone 14 et surtout d’hydrogène radioactif ou tritium, qui à lui seul représente 99,8% de la radioactivité rejetée.
L’activité radiologique se mesure en Becquerel : 1Bq = une désintégration - donc une radiation associée - par seconde.
Le rejet annuel de tritium se monte à 250.000 milliards de Becquerels en Loire et Vienne2.
Pour le diluer à 25 Bq/litre3, il faut disposer de 10 milliards de m3 d’eau de rivière !
Par exemple, en janvier 2019, les quatre centrales sur la Loire ont totalisé 74 jours de rejets, ce qui signifie que, en moyenne, chaque jour deux à trois centrales sur quatre rejettent du tritium.
Toujours en janvier 2019, Civaux a rejeté tous les jours
Parfois l'eau manque : En été, la centrale de Civaux doit « retenir » ses rejets jusqu’aux pluies d’automne, du fait du trop faible débit estival de la Vienne.
Cartographie ACRO 2020 : localisation des 5 centrales nucléaires du bassin
https://www.acro.eu.org/wp-
Elle ne résulte en aucun cas d’une erreur, d’une anomalie, d’un dysfonctionnement : le tritium est un déchet incontournable, issu de l’activité normale des centrales nucléaires et qui ne peut pas être filtré : le rejet dans l’environnement – atmosphère et eau – est la seule solution (hormis le stockage qui n'a pas été envisagé).
Chaque centrale dispose de plusieurs réservoirs de 500 à 700 m3 qui reçoivent des « jus » concentrés : Par exemple sur le mois de janvier 2017, les 7 000m3 rejetés par Civaux avaient une activité tritium de 1 million de Bq/l.
Le largage d’un réservoir se fait dans le canal de sortie des eaux de refroidissement des réacteurs. Le tout sort dans le fleuve – à 1000 ? 4000 ? 8000 Bq/l ? – au niveau de la « clarinette », un tuyau d’égout percé de trous.
Ci-dessus, une observation attentive permet de distinguer les 11 trous de la clarinette (égout) de la centrale de Chinon, 200 m en amont du pont
L’hydrogène normal, lors des réactions nucléaires, reçoit deux neutrons et devient du tritium, de l’hydrogène radioactif. C’est la première forme, gazeuse, hypervolatile. Sa production est très liée à l'utilisation de bore, qui permet de ralentir la réaction nucléaire, donc de réguler à la baisse l'activité d'un réacteur.
En milieu liquide, ces hydrogènes radioactifs vont prendre la place des 2 hydrogènes normaux dans la molécule d’eau H2O : on a alors une molécule d’eau tritiée T2O qui est STABLE dans le temps. Le rejet en Loire par les centrales nucléaires est essentiellement sous forme d’eau tritiée.
Quand elle est ingérée par un organisme vivant, composé lui-même de 75 à 95% d’eau, cette eau tritiée va agir comme un vecteur pour propager la radioactivité au cœur même des cellules de cet organisme.
Une partie va ressortir par la sueur et les urines.
Une partie va être utilisée, comme une molécule d’eau normale, pour des constructions métaboliques telles que la fabrication de sucres, de graisses, de protéines. On parle alors de tritium organiquement lié – TOL – qui va rentrer dans la chaîne alimentaire – micro-organismes, végétaux, animaux aquatiques,... - et peut s’installer durablement dans les tissus vivants.
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La période biologique – durée moyenne de présence dans l’organisme – se mesure en,
Tritium gazeux :
secondes
Eau tritiée :
jours, semaines
TOL :
mois, années
Ci dessous, un extrait d'une carte produite par l'ACRO en juillet 2019, qui valorise les données du ministère de la Santé, et visualise les communes dont l'eau potable est impactée par une contamination au tritium. Disponible sur leur site, http://www.acro.eu.org/
Le Maine et Loire apparaît clairement comme un des départements les plus fortement concernés. 40% des communes du département présentent des valeurs significatives en tritium
Dans les prochains jours, nous vous proposons un article sur faisant un point sur ce qu'on sait de l'effet du tritium sur les organismes vivants, sur fonds de polémique au sujet des normes de potabilité de l'eau polluée par ce radioélément.
1 Membre de la CLI, Commission Locale d'Information de la centrale de Chinon, collège associatif ; membre du réseau citoyen de surveillance de la radioactivité dans le bassin de la Loire (coordination)
2 Données cumulées à partir des ARPE – autorisations de rejets et de prélèvements d'eau - délivrée à EDf par l'Autorité de sûreté nucléaire
3 25 Bq/litre est une teneur courante à votre robinet
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